La nomination d’Éric Houndété comme chef de file de l’opposition au Bénin suscitait de grands espoirs, tant le rôle est stratégique dans une démocratie en quête de maturité. Cependant, force est de constater que son mandat peine à s’incarner.
Depuis sa désignation, on ne l’a vu ni sur les fronts politiques ni dans des démarches visibles pour défendre les préoccupations des citoyens ou des acteurs de l’opposition. Une situation qui interpelle et soulève des interrogations : qu’attend Éric Houndété pour endosser pleinement son rôle de leader de l’opposition ? Le chef de file de l’opposition n’est pas un simple titre honorifique.
C’est une fonction institutionnelle, avec des responsabilités clairement établies. Il doit constituer un cabinet fonctionnel pour traiter les préoccupations des citoyens et des partis politiques d’opposition, jouer un rôle d’interlocuteur privilégié auprès des autorités, notamment dans les consultations sur des questions majeures de gouvernance et être la voix des sans-voix, en dénonçant les injustices et en proposant des alternatives politiques crédibles.
Or, jusqu’à présent, ces attentes restent lettre morte. À la différence de Paul Hounkpè, son prédécesseur, qui, malgré des limites, s’était impliqué dans des débats et avait su marquer une certaine présence, Éric Houndété semble en retrait, fantomatique. L’explication qu’il aurait avancée, à savoir attendre un décret d’application pour déployer pleinement son mandat, apparaît insuffisante. Ce rôle exige une dynamique proactive, même en l’absence d’un cadre légal parfait. Un regard sur d’autres expériences en Afrique montre qu’une opposition forte ne dépend pas uniquement d’un cadre institutionnel.
Ousmane Sonko, au Sénégal, est devenu une figure centrale de l’opposition grâce à sa présence active sur le terrain et son discours tranché, malgré les obstacles administratifs et politiques. Sonko n’a pas attendu qu’on lui confère une plateforme officielle pour défendre ses idées ou porter les revendications populaires. Cette comparaison met en lumière le contraste avec Houndété. Si le chef de file de l’opposition béninoise attend une situation idéale pour agir, il risque de perdre en crédibilité et de s’éloigner des attentes des citoyens et des partis qui l’ont soutenu, surtout qu’il ambitionne de succéder à Patrice Talon. La participation d’Éric Houndété aux cadres de concertation des partis de l’opposition, bien qu’importante, ne suffit pas à combler le vide laissé par son manque de leadership public. Le chef de file de l’opposition doit transcender les discussions internes pour incarner une figure nationale, visible et audible. Les citoyens brimés, les militants déçus et les acteurs politiques en quête d’alternance attendent une voix forte et courageuse, capable de mobiliser l’opinion publique et de dialoguer avec le pouvoir.
Une responsabilité à assumer d’urgence
Pour Éric Houndété, le moment est venu de prendre ses marques et de redéfinir son rôle. La fonction de chef de file de l’opposition est une institution clé pour la vitalité démocratique. En tardant à enfiler son manteau, Éric Houndété risque de laisser un vide que ses adversaires politiques ou des figures moins légitimes pourraient combler. Il doit saisir l’opportunité de redonner de l’élan à l’opposition béninoise, comme l’espèrent ses partisans et les citoyens qui croient encore en une alternance politique. Car dans une démocratie, le leadership ne s’attend pas : il se construit, se revendique et s’assume.
Euphorie Gantin
Le Soleil Bénin info