Acteurs et actrices de la République des plaisantins ! Moi, le spectateur joyeux, je vous salue et vous dis que votre spectacle me plait bien, surtout lorsque les acteurs politiques, eux-mêmes, se mettent en scène. Le Hagbè national, l’homme qui n’a jamais eu les biceps assez gros pour devenir gouverneur de notre République des plaisantins, a vraiment l’égoïsme et l’ingratitude mêlés dans le sang.
Alors que le peuple, voulant contrecarrer les velléités révisionnistes du Goliath de Tchaourou, a confié, par l’entremisse des députés, les destinées de l’Assemblée nationale à ce vétéran de la politique, c’est avec beaucoup de regret qu’il apprend, de la bouche de ce dernier, que c’est contre son vouloir que cela a été fait. Et qu’il était tranquillement chez lui en train d’écrire les pages sombres de sa vie de militant quand on est venu le chercher pour cette noble cause. J’avoue que ce vieillard qui, sans conteste, a l’art du mensonge, nous prend tous pour des briques de 15. A peine huit mois qu’il a été installé dans ses fonctions, il oublie déjà qu’au lendemain des élections législatives, c’est lui qui a supplié l’opposition toute entière pour qu’on lui laisse ce fauteuil.
Ce monsieur qui ne pense qu’à ses propres intérêts et qui n’a jamais eu la sagesse de faire des concessions a oublié que c’est lui qui, comme on le dit vulgairement, faisait des appels de pied et menaçait l’opposition de rallier le Goliath de Tchaourou, au cas où, avec ses dix dépités, on ne l’élisait pas. Face à cette épée de Damoclès qu’il brandissait et compte tenu de l’enjeu qui était de ne pas permettre la révision de la Constitution pour un troisième mandat en faveur de notre Gninwè national, le coq d’Adja-Ouèrè a été obligé de demander au Renard de Djakotomey d’abandonner ses ambitions, malgré le fait que c’est son regroupement politique qui, logiquement, avec treize dépités, devrait postuler à ce poste. Mieux, si le désir d’occuper ce fauteuil n’était pas si ardent en lui, il n’allait pas pousser un ouf de soulagement, à l’issue du scrutin où il a obtenu 42 voix contre 41 pour son challenger, et dire, plus tard, qu’il entendait, en cette nuit-là et au plus profond de se son être, les battements du cœur de ses collègues.
Tellement les espoirs étaient placés en lui. Mais c’était sans compter avec son orgueil qui lui joue de mauvais tours. Déjà en 1816, Louis-Philippe de Ségur écrivait dans son ouvrage «La reconnaissance» que «l’égoïsme est le plus bas et le plus étroit des esprits de parti. Aussi l’égoïste n’est jamais reconnaissant. Il écrit à l’encre le mal qu’on lui cause, et au crayon le bien qu’on lui fait». Reconnaissez avec moi que le Hagbè national écrit toujours à l’encre le mal qu’on lui cause. Et il attend toujours le moment opportun pour prendre sa revanche. Souvenez-que ce monsieur, pour discréditer le Dj Djeff qui est spécialisé dans la vente du poisson, a fait savoir que c’est parce qu’il ne l’a pas soutenu lors de sa conquête du perchoir qu’il lui rend maintenant la monnaie de sa pièce.
Comme quoi, avec le vieux Digbeu d’Adjina, c’est œil pour œil, dent pour dent. Egalement, pour se convaincre du fait que ce vieillard écrit au crayon le bien qu’on lui fait, il faut interroger son discours d’investiture dans lequel il a fait savoir que la télécommande de Paris n’est pas vertueuse. Cette télécommande qui, au moins, a été à l’origine de son accession. Il n’a pas fait deux semaines avant de gommer tous les bienfaits que lui a faits Talon. C’est ça les ingrats ; ils courent derrière vous quand ils sont dans le besoin. Et lorsqu’ils atteignent leur but, ils oublient l’échelle qu’ils ont utilisée et, au lieu de la boucler, vous traite de tous les noms d’oiseau. Mais, moi, le spectateur joyeux, je crois que notre Hagbè national est un politicien woutoutou.
Et si vous n’êtes pas d’accord avec moi, je me fâcherai et vous dirai que dans notre République des plaisantins, il y en a qui nous distraient à mort, qui prennent les Porto-viens pour des briques de 15 qu’on peut utiliser pour bâtir des châteaux dans lesquels eux-mêmes bâtisseurs, ayant des fesses qui ne tuent jamais des fourmis, n’habiteront que pour deux nuits, qui écrivent toujours à l’encre le mal qu’on leur cause et le bien qu’on leur fait au crayon, qui sont des politiciens woutoutou qui, pensant être des faiseurs de roi, ne savent pas, comme Nicolas de Condorcet, que l’ingratitude, fille de l’intérêt et de la vanité, est le vice des petites âmes, et qui demeureront aigris.
Le spectateur joyeux !