LA MEFIANCE, LE VIRUS QUI NOUS RONGE

Citoyens et citoyennes du royaume des plaisantins ! Moi, le spectateur joyeux, je vous salue et vous dis que votre spectacle me plait beaucoup, surtout lorsque les acteurs politiques, eux-mêmes, se mettent en scène. Vous n’allez pas me croire, mais nous souffrons d’une véritable crise de confiance qui nous empoisonne l’existence. Elle nous a été léguée par nos ancêtres. La tradition orale nous enseigne qu’au début des années 1900, le roi Requin, qui était farouchement contre la colonisation, a été trahi par son propre frère. Ce dernier aurait été celui qui l’a vendu aux Blancs.

Dès lors où le souverain d’alors a été pris au piège et sachant que c’est quelqu’un qui partage avec lui les mêmes gouttes de sang qui a participé à sa déchéance, il déclara, le cœur meurtri, que les fils et filles de ce pays ne parleront jamais le même langage. Une sorte de malédiction qui, inexorablement, nous poursuit et qui a installé la méfiance dans les mentalités. Aujourd’hui, c’est clair que, dans les familles, les enfants d’un même père et d’une même mère ne s’entendent pas et se livrent même à une guerre sans merci. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir comment des frères et sœurs se transforment en de bêtes sauvages et se dévorent entre eux quand il s’agit de la succession.

Les gens s’envoient mutuellement des missiles. Et il n’est pas rare de voir, dans les familles, des gens mystiquement condamnés à l’handicap, à l’alcoolisme, à la stérilité, à la folie, à l’échec, et toutes sortes de vices. La crainte de voir l’autre réussir est si forte chez certains si bien qu’ils ne la cachent pas et, à visage découvert, œuvrent, par des pratiques occultes, pour vous déstabiliser. Et ça, c’est souvent monnaie courante dans l’administration. Quand vous êtes promu à un poste de responsabilité, il est conseillé de faire preuve de prudence. Car, c’est le jour même de votre nomination que naissent les opposants à votre ascension. C’est ce jour-là même que les gens commencent par nourrir en secret le rêve de vous succéder un jour. Et pour atteindre leur but malsain, ils multiplient des plans diaboliquement mûris pour vous empêcher d’atteindre l’objectif qu’on vous a assigné.

Il vous glisse des peaux de bananes et ne cessent de mettre en relief vos tares. C’est le cas d’un confrère. Promu rédacteur en chef d’une chaîne de télévision de la place, Hodonou a été la cible des dictateurs de l’ombre qui ont voulu le mettre sous éteignoir pour assombrir sa destinée. Depuis lors, la méfiance est devenue son leitmotiv. Tout comme lui, beaucoup de cadres de notre royaume des plaisantins développent une antipathie latente contre la fraternité et la bonne camaraderie.

Leur crainte de fléchir est si grande qu’ils s’enferment dans un individualisme déconcertant qui les empêche de s’épanouir. Gagnant leur pain à la sueur de front, ils préfèrent vivre dans l’anonymat et ne célèbrent leur réussite sociale avec personne. Ils font l’option de faire fortune à l’abri des regards calomnieux et s’empêtrent dans des considérations insensées du genre, si les gens apprennent qu’ils ont acheté une voiture ou construire leur maison, ils vont les tuer. Mais moi, le spectateur joyeux, que certains plaisantins appellent désormais « l’imbécile heureux », je bisque ceux qui ont la naïveté de croire que rester dans l’anonymat met à l’abri des coups bas. C’est une faiblesse intellectuelle de penser que, face au risque de trahison, l’individualisme est un meilleur remède contre les agissements des aigris et personnes d’une petitesse d’esprit.

L’individualisme, c’est le plus bas et le plus étroit des esprits qui renforcent la méfiance ; ce virus qui pollue les relations entre frères et sœurs, employés et employeurs, gouvernants et gouvernés et qui fait de notre royaume des plaisantins la société de la solitude. Et si vous n’êtes pas d’accord avec moi, le spectateur joyeux, lancez-moi la première pierre.

Author: Charles

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