Lettre à Japh : La mode du casque

Cher neveu Japh ! Depuis que tu es devenu un cybercriminel, tu t’es offert une moto à deux roues communément appelée « Djènannan ». Avec ta clique de gaïmans, tu t’adonnes à la « course en convoie ». Sur ta moto, tu as le visage concentré comme le lait BELL HOLLANDAISE. Tu as souvent l’odieuse idée de faufiler entre les voitures avec, à la clé, des zigzags préjudiciables. Tu roules à plus de 120 km/h et tu joues même au dur en lâchant les guidons. Tu tends les deux bras et tu imites Rose et Jack sur le Titanic.

Bien que n’ayant pas d’ailes, cela te donne l’impression de voler comme un oiseau. Pour manifester le summum de ta joie, tu cries : « Je suis un assoiffé de vitesse ». Tout ceci me fait monter l’inquiétude à la gorge. Car, ta tête qui est nue comme le ver de terre est aussi ma tête. En cas d’accident, tu risques de la briser en même temps que ton menton pointu comme le bout d’une baguette de pain chaud. Pour cette raison et ne voulant pas entendre ta tête retentir sur la route comme on cogne une noix de coco contre une brique, je t’ai offert un casque.

Contre toute attente, la horde des idées négatives qui te caractérisent t’ont recommandé d’éclater d’un rire sarcastique et de me répondre en ces termes : « Non, merci ! Je n’ai pas besoin de casque puisque je porte déjà une croix et des amulettes. Ce sont mes anti-accidents.
De plus, un casque, ça empêche de voir derrière, ça ne permet pas d’utiliser le téléphone, ça donne les maux de tête, ça donne la chaleur, ça, donne l’hépatite, ça donne le rhum, ça donne même la diarrhée ». Quelle ignorance de ta part qui eut le don de me rougir !

Japh ! A force de t’entendre tenir des propos de cet acabit, cela me fait pétiller la tête. A cet effet, j’ai préféré garder le silence et mon casque. Bizarrement, le 1er avril 2012, tu es venu me voir et, de ta bouche, une phrase étonnante en sortit : « Je veux un casque ».

Comprenant que ton revirement d’attitude est dû à la décision des autorités préfectorales qui rend obligatoire le port de casque à moto, je t’ai envoyé valdinguer en disant : « Un casque, ça se vend au marché ».

Avec la honte sur la figure comme un enfant qui a fait caca dans sa culotte, tu es allé au marché. Sur les lieux, tu constatas, avec des yeux fiévreux, qu’un casque coûte au minimum quinze mille (15.000) francs.
Trouvant cela exorbitant pour ta poche, tu rebroussas chemin en disant « A l’impossible nul n’est tenu ». En cours de route, tu vis des vendeurs de calebasses. Les idées qui trottaient dans ta tête t’on conseillé d’en payer.

Juste avec deux cent (200) francs, tu achetas une. Tu fis deux trous au niveau des bords. Ensuite, tu y introduisis un fil et nouas les deux extrémités. Enfin, tu la portas et montas sur ta moto en t’exclamant : « Il faut savoir faire la politique de ses moyens ».

Malheureusement, dans un carrefour muni de feux tricolores, un policier t’arrêta et te questionna : « Petit ! Une calebasse est-elle un casque » ? Tu lui répondis avec insolence : « Monsieur l’agent ! Casque ou calebasse, c’est le même CASSEMENT. Quand ça tombe, ça se casse toujours. Laissez-moi partir…moi aussi je suis à la mode… mon casque est made in Bénin ».

Tout comme toi, chaque Béninois, à sa manière, obéit à cette logique des autorités administratives visant à porter de casque. Ainsi, il est loisible de voir à moto, des policiers porter des casques de combat. D’autres personnes portent des casques de chantier. Dans l’optique de ne pas se faire draguer, des femmes le portent pour aller au marché ou au bureau. Sais-tu pourquoi ? C’est parce que ça rend laid. Les voleurs aussi portent de casque parce que ça ne dévoile pas l’identité.

Des férus de cuir rond le portent pour aller au stade afin de se protéger contre les projectiles des Houligans. En classe, des élèves le portent parce qu’ils ne veulent pas que des professeurs les talochent en disant « tu es têtu ». En voiture, les chauffeurs portent de casque. Peut-être, en cas d’accident, pour ne pas se cogner la tête contre le volant.

Même au lit, les amoureux portent de casque et font l’autre chose. S’il te plaît ! Ne me demande pas le pourquoi car, je n’ai pas encore faire l’expérience afin de te révéler le motif de cette folie du casque. Je ne peux que te dire ceci : « La mode, ça me plaît. La folie, ça me fait penser au centre psychiatrique de Jacot ».

Ton oncle adoré !

La petite pensée : « Il vaut mieux suivre la mode, même si elle est laide. S’en éloigner, c’est devenir un personnage comique ». Coco CHANEL

Joël Samson BOSSOU

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