Citoyens et citoyennes du royaume des plaisantins ! Moi, le spectateur joyeux, je vous salue et vous dis que votre spectacle me plait beaucoup, surtout lorsque les politiciens, eux-mêmes, se mettent en scène. C’est incroyable, mais depuis plus de cinquante-cinq ans que notre peuple a brisé le joug colonial, il ne sait pas encore comment prendre son destin en mains. Il recherche encore ses marques. Mais, le pire c’est quand il impute la cause de son retard aux puissances étrangères. C’est là que je me dis que nous ne sommes pas encore prêts à affronter les défis du développement. Il n’y a qu’à voir tout le temps et toute l’énergie que nous consacrons aux querelles politiques pour s’en convaincre.
De toute éternité sous nos cieux, quand des gens pactisent pour conquérir le pouvoir, c’est encore entre eux que naissent la désunion et la mesquinerie. Au lendemain de la Conférence nationale, c’est ceux qui ont œuvré pour l’élection d’Hercule qui sont finalement devenus ses véritables bourreaux. Bien qu’il ait permis à notre royaume des plaisantins d’amorcer une croissance économique véritable, cela n’a pas empêché les ennemis du développement de trouver des arguments fallacieux pour porter un coup d’arrêt au processus de modernisation qui était en cours. Curieux anecdote, c’est le Kaméléon qu’ils avaient vilipendé, qu’ils ont encore ramené pour nous gouverner avec son système de gestion dont la trame est le laisser-faire.
Et il a fallu deux ans pour voir ces mêmes politiciens woutoutou, qui ont proclamé sur tous les toits qu’on ne mange pas les pavés, s’entredéchirer comme des loups affamés, au motif que l’un est un premier ministre kpayo et l’autre, le Renard de Djrègbé. Avec l’avènement du Goliath de Tchaourou, les habitudes n’ont pas changé. Les faiseurs de roi qu’étaient le petit Hercule, Dadjè et Mr le coq ont tôt fait de quitter la barque du Changement, créant ipso facto l’Union fait le royaume pour lui créer tous les ennuis de ce monde. Le motif à l’époque, c’est que l’interlocuteur avait l’art de ne pas reconnaître sa signature. Et donc, il fallait le chasser du pouvoir avec sa gratuité de la césarienne, ses microcrédits aux plus pauvres, son échangeur sur lequel ils passent et surtout sa « prospérité partagée » qui excluait les opposants. Pour ce qui est de l’intronisation de notre roi, sa majesté Guillaume 1er, il a fallu qu’il scelle une alliance contre nature avec le roi de la volaille. Mais le clash, cette fois-ci, a été rapide et terrible.
A l’origine, l’affaire « 18 kg de cocaïne pure » a prouvé à la face du monde que, dans notre royaume des plaisantins, nous ne sommes pas conséquents envers nous-mêmes. Sinon, comment comprendre que des gens qui ont sablé le champagne et ont marché la main dans la main n’aient même pas attendu six mois avant de jeter les masques qu’ils portaient ? Cela me rappelle les années 70 où, au lendemain de la Révolution, c’était une affaire dite « Kovacs » qui a créé la brouille au sommet de l’Etat au point que des artisans du putsch du 26 octobre 1972 se sont retrouvés derrière les barreaux. En 2012, ce sont les affaires « tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat » qui ont transformé notre royaume des plaisantins en Hollywood où s’est déroulé, sous nos yeux, l’inédit film western dans lequel le chef des bandits, avec ses milliards, a déjoué tous les faux coups de l’acteur principal. De toute évidence, vous conviendrez avec moi, le spectateur joyeux, que certains appellent désormais l’imbécile heureux, que rien n’a fondamentalement pas changé depuis les indépendances. On prend les mêmes, et on recommence.
Les acteurs sont les mêmes. Les stratégies aussi. Et pour cause. Dans les années 60, Mr Afity et Mr Amanga se sont ligués contre Mr Ahomas. Par la suite, c’est Mr Amanga et Mr Ahomas qui ont fait un « six en one » contre Mr Afity. Hier, le Compétiteur-né et Dj Djeff s’étaient unis pour la déchéance du Goliath de Tchaourou. Aujourd’hui, c’est Dj Djeff et le Goliath de Tchaourou qui sont en pourparlers pour la chute du Compétiteur-né. Voilà comment, avec les coups bas, nous hypothéquons l’avenir de nos enfants. Nous sommes dans un cycle infernal de politique politicienne où la philosophie du « détruire l’autre pour se construire » est ancrée dans le projet de société de nos politiciens. Ils sont là à entretenir des rivalités morbides qui n’apportent absolument rien au panier de la ménagère. Quand je regarde tout ça, tout ce manque de respect au peuple, ma péroraison est simple : nous sommes vraiment dans une société de paradoxes et de plaisantins. Nous sommes les artisans de notre sous-développement. Et si vous n’êtes pas d’accord avec moi, le spectateur joyeux, lancez-moi la première pierre.