(Lire la réflexion de l’Ambassadeur Candide Ahouansou)
Dans la mesure où nous assemblons sous le même vocable toute opération monétaire illicite, qu’elle implique un seul malfrat ou une association de malfaiteurs ou encore qu’elle se réfère à l’achat des consciences, la corruption demeure une tragédie nationale qui mérite que l’on en discoure, en cette période dont on ne sait plus bien si elle est précampagne ou déjà, de facto, campagne électorale. En adéquation avec les principes directeurs de la Nouvelle Conscience qui reste à l’écoute du peuple, le présent article se donne l’avantage de n’être qu’incitateur à d’autres réflexions aux fins d’enrichir le débat et d’approcher la réponse qui convient de donner à cette tragédie nationale qu’est la corruption et son alter ego, l’impunité.
Rengaine et gangrène de corruption
. La rengaine, c’est ce dont l’on vous entretient trop souvent et qui, à la longue, finit par vous agacer et vous blaser. La gangrène est la maladie qui détruit complètement la vie dans une partie du corps ; elle produit la nécrose des tissus qui a tendance à s’étendre davantage. La solution est, d’ordinaire, l’amputation. La corruption et la lutte contre ce fléau, sont tout cela, ensemble. Et, je conviens parfaitement que, de nos jours, le citoyen ordinaire envoie sur les roses, quiconque tente, encore, de le convaincre de quelque efficacité d’une lutte contre ce fait de société, tellement il en a déjà entendu des mille et des cents. Le, encore tout fumant, scandale de l’eau de boisson, et le pitoyable spectacle que nous offre la Commission électorale nationale indépendante sur fonds de détournements de deniers publics, le conforte dans cette attitude. Cependant, soucieuse de faire les choses autrement, en cas de besoin, la Nouvelle Conscience de Pascal Irénée Koupaki se propose de porter prioritairement la lutte en amont du fléau, et, seulement accessoirement, en aval.
Pourquoi devrait-il en être ainsi ?
La réponse est aussi simple que le laisse entendre la maxime « Il vaut mieux prévenir que guérir » Prévenir parce que la tendance à la corruption est une donnée naturelle, c’est-à-dire inhérente à la nature humaine. Sans verser dans le psychologisme, je dirais que l’homme vient au monde avec, en puissance, toutes les tendances imaginables, les bonnes comme les mauvaises. En termes d’éducation en famille, il appartient, alors, aux parents de veiller au grain en favorisant, dès le berceau, les bonnes et en réprimant les mauvaises. En termes d’éducation sociale et de gestion d’Etat, le schéma est quasiment le même si ce n’est qu’il se réfère à des adultes et qu’il se conjugue en paramètres de résistance aux tendances négatives en amont, et de répression en aval. Suivant sa méthode d’appréhension et de résolution des sujets de société, la Nouvelle Conscience fait le point de la lutte telle que menée, jusqu’alors, contre la corruption ; met en exergue ses forces et ses faiblesses, en tire les enseignements qui conviennent et propose la solution alternative.
Comment la lutte a-t-elle été menée jusqu’alors?
L’histoire éduque l’homme et enrichit les processus de décisions; nous sommes donc bien obligés d’y avoir recours. Sauf déficit de documentation de notre part, la lutte contre la corruption a commencé, sous le Président Mathieu Kérékou dans les années 1980. Elle avait été, essentiellement, menée contre les agissements des agents de la police, de la gendarmerie et de la douane, par les contrôleurs des forces armées, mais elle avait fait long feu. Les forces armées avaient dû battre en retraite, et nous étions revenus à la case départ. La corruption sur les routes n’a donc pu être enrayée et le Chef de l’Etat avait dû en prendre acte. En 1989 une ordonnance présidentielle, avec force de loi, avait été prise pour porter au rang de délit aussi bien la corruption passive que celle active. Toujours au cours de la même année, en période révolutionnaire de jadis, la mission Ahouansou René avait été mise sur pied pour procéder à ‘’ la vérification des biens’’ dans le cadre de la répression de l’enrichissement sans cause.
Puis est intervenue la mandature du Président Nicéphore Soglo qui a promis de faire rendre gorge aux indélicats qui s’étaient servis dans les caisses de l’Etat. Il créa, alors, la commission Amoussou Kpakpa toujours aux fins de vérification des biens. Le Président est donc resté dans la même logique d’actions répressive que son prédécesseur.
De retour aux affaires d’Etat, le Président Mathieu Kérékou créa, en 1999 la commission Ahanhanzo Glèlè Adrien avec pour mission de recenser tous les dossiers de détournements de deniers publics et de malversations entre 1996 et 1999.
Quant au Président Boni yayi, il a créé l’Inspection Générale d’Etat qu’il a mis sous sa tutelle. Il vient de dissoudre lui-même, cette institution, essentiellement de répression, pour des raisons qui lui sont propres, convenant ainsi de son inefficacité en dépit de la qualité des hommes qui la composaient.
En conclusion de ce qui précède, le constat est que le Président Mathieu Kérékou, bien qu’ayant le mérite d’avoir entamé la lutte contre la corruption, n’a pu la résorber, tout chef suprême des forces armées qu’il était. Le Président Soglo n’a pu faire mieux, pas plus que le Président Boni Yayi et, tout cela pour cause. Leurs actions s’étaient inscrites, essentiellement, en aval du phénomène, c’est-à-dire dans une stratégie répressive, à l’instar des actions que mène la justice. Et c’est en dehors des travaux effectués par les comités ad hoc, qui du reste n’ont pu atteindre les résultats escomptés, qu’il convient d’estimer l’impact de la stratégie répressive, eu égard au nombre de procès intentés contre les auteurs de malversations.
L’indice des procès en corruption
Combien de procès avons-nous eus, alors, depuis 1980 que nous prenons pour point de départ de la lutte contre ce fléau social ? Pas des masses répondrons-nous, compte tenu du fait que les actes de corruption et de détournements de deniers publics sont monnaie courante dans notre pays. Il est vrai qu’il y a eu l’épique procès intenté contre Amadou Cisse en 1992, à l’avènement du Président Dieudonné Nicéphore Soglo. Le patenté marabout de la Présidence de la République de l’épopée révolutionnaire que tous les pontes de la politique adulaient et courtisaient, a été abandonné de tous, alors qu’il les citait comme témoins à la barre. Ce procès, qui fut retentissant en son temps, avait laissé, néanmoins, un grand sentiment d’impunité. Cissé avait été condamné, certes mais les hommes de l’ombre, les complices et les bénéficiaires de ses entremises, ne l’avaient pas été.
En 2004, sous le Président Mathieu Kérékou, nous avions connu l’affaire des frais de justice criminelle qui a mis en cause plusieurs magistrats et agents du Trésor public. Une bonne soixantaine de condamnations avaient été prononcées.
Mais qu’a-t-on fait du rapport des audits de 2006, qu’en sa qualité de Ministre du Développement, de l’Economie et des Finances, Pascal Irénée Koupaki avait initié et produit sur l’Administration publique, le Trésor et certains établissements publics ; un rapport, on ne pouvait plus transparent, dont les conclusions avaient été, autant que ma mémoire ne me quitte pas encore, publiées dans les organes de presse en Décembre 2006, de la même année ? Et je parierais volontiers que c’est par suite du remous qu’elles ont provoqué, qu’il a été déplacé de son poste. Il fallait déjà, en ce moment-là, au promoteur de la Nouvelle Conscience, d’aujourd’hui, une force de caractère, une rectitude, une probité à toute épreuve ; autant de qualités qui font de lui une personnalité capable de diriger le pays à compter de 2016.
Par ailleurs en 2013, le Président de la République, en fonction, avait remercié certains de ses proches collaborateurs pour fait de corruption .C’est un acte que le peuple avait salué en son temps, mais en dehors de l’effet d’annonce, quelle suite judicaire a été réservée à cette affaire comme à tant d’autres dont la liste serait fastidieuse à égrener ?
Grosso modo et en définitive, la stratégie de lutte contre la corruption en aval, seulement, a été insuffisante voire inefficace. En effet le but poursuivi dans ce schéma, c’est la punition. Or l’on constate une impunité généralisée provenant, entre autres, du fait que le Procureur de la République ne s’autosaisît pas des cas de détournements de deniers publics et que l’Exécutif ne l’en saisit point comme il se doit. Que faire alors, si ce n’est privilégier une approche préventive dans cette lutte contre la corruption ?
L’approche préventive
En considérant les choses de plus près, c’est encore au Président Kérékou que revient le mérite d’avoir entamé la lutte préventive contre la corruption. En effet, il avait créé une cellule moralisation en 1996 qui avait édicté un manuel sur le ‘’ Mode d’emploi de l’Administration publique’’ pour aider la population à se mettre au fait des procédures de la Fonction publique afin de ne pas se laisser prendre au piège de la corruption. Plusieurs administrations avaient, alors, pris des initiatives pour informer les usagers du service public sur les délais et le cout des différentes prestations. C’était l’amorce d’une approche préventive de la lutte contre la corruption. A tout Seigneur, tout honneur donc. Mais c’est avec l’avènement du Docteur Boni Yayi que vont se succéder manifestations et dispositions censées prévenir les faits de corruption ; et cela, à un rythme soutenu, il faut bien le lui reconnaître.
Au titre des manifestations, eurent lieu en 2006, sa marche contre la corruption et l’installation d’une ligne verte pour dénoncer ses méfaits.
Au titre d’organes de prévention, ont été créés en Novembre 2010, le guichet unique au Port autonome de Cotonou ; puis le guichet unique des formalités des entreprises, au Ministère de l’Industrie, du Commerce, des Petites et Moyennes Entreprises. En Octobre 2011 fut votée la loi contre la corruption et les infractions connexes. Il est vrai que l’on peut donner à cette loi tant un rôle répressif que préventif. En Février 2013, l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption, prévue dans cette loi, vit le jour.
Toutes ces institutions, sans compter la présence au sein des ministères de d du contrôleur financier et aussi, du moins pendant un certain temps, des commissaires du gouvernement dans les entreprises publiques !
Mais, paradoxe des paradoxes !
C’est sous le régime du Président Boni Yayi qu’a lieu le plus grand nombre de scandales financiers et de détournements de deniers publics. Pourquoi en a-t-il donc été ainsi ? La réponse se trouve, décidemment dans l’impunité des délits commis. Impunité que nous définissons comme la noyade de la punition dans les eaux troubles des considérations extrajudiciaires et notamment politiques. Et pourquoi ne punit-on pas, comme il se doit dans notre pays ? Une réponse judicieuse relèverait de la psychanalyse politique. Et si cette discipline n’existait pas, il conviendrait de l’inventer, un jour, pour comprendre et expliquer les nombreux phénomènes qui émaillent la vie politique de notre pays et qui défient les normes de la science politique classique. Le constat est donc ceci ; que ce soit dans une stratégie répressive ou préventive, l’impunité a raison de tous les efforts pour enrayer le phénomène de la corruption. La stratégie préventive demeure cependant la meilleure approche, mais elle pêche dans les méthodes utilisées. Nous exposerons dans un prochain article le regard de la Nouvelle Conscience de Pascal Irénée Koupaki sur l’impunité et les voies qu’elle préconise pour lui donner le change.