Réformer en profondeur le secteur de la culture est devenu le leitmotiv de Ange N’KOUE, ministre du Tourisme et de la Culture. Face aux confrères des chaines de télévision hier, il a reprécisé la ligne directrice de la politique gouvernementale, celle de faire des hommes de culture de véritables entrepreneurs culturels. Pour Ange N’Koué, l’audit général de la politique déployée dans ce secteur ces dernières années a révélé de nombreux dysfonctionnements qu’il s’emploie à corriger par des réformes qui ne plaisent pas forcément à une minorité ayant profité du système. « Le Fonds d’aide à la culture après 25 ans d’existence est aujourd’hui sans impact sur la vie des artistes parce que les critères de base de son attribution ont été dévoyés. Ce fonds est devenu un fonds politique qui ne cherche même plus d’autres financements en dehors de l’Etat », se désole-t-il. Il poursuit que les financements n’accompagnent pas souvent les promesses annoncées par le passé, des dettes se sont accumulées au fil des ans alors que les ressources du fonds n’allaient même pas directement aux vrais bénéficiaires. Actuellement, le Fonds a subi une mue pour devenir un Fonds des Arts et de la Culture qui répond aux conditions de l’aide à la création définie dans la politique culturelle. « Ce fonds n’ira plus aux individus mais à toutes les communautés grâce à la mise en œuvre de l’Agenda culturel », assume Ange N’Koué qui pense qu’il est temps que les artistes dépassent les limitations pour intégrer qu’on peut vivre de son art. Du coup, il a tenu à faire taire la controverse concernant le non remboursement des artistes dans le cadre du Fonds des arts et de la culture. « Le président de la République est extrêmement préoccupé par la situation. Nous avons décidé de faire une estimation de la dette, un audit a été diligenté pour savoir ce qu’on doit, l’effectivité de la dette afin de s’assurer que les ressources iront aux vrais bénéficiaires », rassure le ministre.
Dynamique de l’accompagnement !
La nouvelle dynamique, souligne le ministre, est celle de l’accompagnement L’instrument par excellence que le gouvernement met en place, c’est le fonds de bonification que le ministre présente comme un réel outil de promotion de l’entreprenariat culturel. Ce fonds logé au niveau des Banques permet à tout acteur ou promoteur culturel d’accéder aux crédits bancaires sur la base d’un projet dont il bénéficiera de l’appui technique de l’Etat pour le rendre bancable. La bonification aide alors l’artiste à amortir les intérêts.
L’année 2017, soutient le ministre, est celle de la mise en œuvre effective de l’Agenda culturel. Au total, 15 manifestations culturelles sont programmées pour se dérouler simultanément sur toute l’étendue du territoire national, favorisant un élan populaire autour de la chose culturelle et offrant la chance à toutes les communes de révéler leurs talents. Une autre réforme en cours concerne d’ailleurs la détection et la promotion des talents dans les communes, aussi bien les artistes confirmés que les stars en herbe. Au profit des collectivités locales, le programme d’actions du gouvernement prévoit la construction de théâtres de verdure au niveau de chaque département. Quatre théâtres de verdure sont prévus pour être construits cette année. « Nous travaillons aussi sur l’éducation dans la culture. Nous avons déjà fait un travail sur l’élaboration des curricula, nous avons identifié les formateurs et un travail d’harmonisation est en cours. La promotion de la culture sera bientôt une réalité dans nos écoles », promet Ange N’Koué.
Le ministre reste convaincu que pour permettre aux artistes de vivre réellement de leur art, la résurrection et la restructuration du Bureau béninois des droits d’auteurs (Bubedra) est plus qu’un impératif. « Le Bubedra est au creux de la vague. Tout est au point mort. Mais je promets qu’il y aura un relèvement extraordinaire », gage-t-il. A ce propos, il est annoncé du 16 au 19 mai prochain un séminaire des acteurs culturels et des consommateurs (chaines de radios, de télévision, réseaux GSM, tenanciers de bars…). Cette rencontre devra déboucher sur des mesures fortes pour protéger les œuvres des artistes béninois. Le modèle ivoirien de relance des droits d’auteurs séduit le ministre qui confie que les réformes ont permis de passer de 2 milliards à 54 milliards F CFA de ressources distribuées chaque année aux créateurs en Côte d’Ivoire. Le gouvernement accorde aussi de l’intérêt à la lutte contre la piraterie pour laquelle des ressources importantes sont prévues pour permettre aux artistes de vivre convenablement de leurs œuvres.
Les réformes lancées sont conduites en parfaite intelligence avec les artistes mais aussi en collaboration avec des experts. Il cite en exemple l’implication des banquiers dans le processus de mise en place du Fonds de bonification ou encore les pédagogues sur le projet de détections des talents.
Relancer le secteur touristique
Dans le domaine des patrimoines, le gouvernement s’active pour le rapatriement des biens spoliés sous la colonisation. Ange N’Koué soutient : « Ces biens doivent être ici pour que nos enfants connaissent notre histoire. Leur place n’est pas ailleurs ». Quid de la conservation des œuvres à leur retour ? Il annonce que des études sont déjà en cours dans le cadre rénovation des musées existants et la construction de deux musées, à Porto-Novo et à Abomey. Il ajoute que le processus d’inscription d’un certain nombre de sites historiques dans le patrimoine mondial de l’humanité est lancé. Des sites historiques comme ceux des combats héroïques seront réhabilités. Le site du combat d’Atchoukpa livré par le Roi Béhanzin pendant l’agression coloniale de 1892 serait actuellement victime de morcellement. L’Etat tient aussi à la formation des guides et des conservateurs pour renforcer leurs capacités dans la promotion de la destination Bénin. Des projets sont en cours d’élaboration en partenariat avec la Chine et l’Allemagne pour renforcer les capacités de guides.
Le gouvernement fait du développement du tourisme, une source de création de richesses et d’emplois. Le Programme d’actions du gouvernement prévoit un investissement global de 685 milliards F CFA. Et déjà, des actions concrètes se pointent à l’horizon avec le lancement du projet de compétitivité et de tourisme transfrontalier (Pctt) doté d’une enveloppe de 25 milliards F CFA, destiné prioritairement à relancer le tourisme dans la ville de Ouidah. La cité lacustre de Ganvié aura aussi une cuire de jouvence. Le ministre informe que le secteur hôtelier entame son regain de forme avec 74 hôtels créés en 2016 pour environ 600 emplois. En 2017, 1000 emplois sont attendus dans le sous-secteur de l’hôtellerie. Mais le gouvernement travaille sur un programme de mise à niveau des hôtels dont le respect des normes reste aujourd’hui la chose la moins partagée. Un travail d’évaluation des hôtels et de la capacité de réception du Bénin est en cours. Le pays négocie un partenariat avec le Maroc dans le cadre du classement des hôtels. « 2017 est l’année du tourisme interne. Il faut que les Béninois bougent et apprennent à connaitre le Bénin, les cadres, les universitaires, les fonctionnaires, les acteurs du secteur privé », plaide Ange N’Koué qui assure que l’espoir dans le renouveau du tourisme et de la culture est bien permis.