Spectateur joyeux: DANGNIVO, le mystère se poursuit depuis 15 ans

Cotonou, mardi 11 mars 2025. Le palais de justice de Cotonou vibre d’une atmosphère lourde. Dès les premières heures de la matinée, les abords du tribunal grouillent d’une agitation inhabituelle. Journalistes, curieux et proches de la famille de la victime se pressent aux portes d’un procès que beaucoup considèrent comme l’un des plus énigmatiques de l’histoire judiciaire béninoise. L’affaire Urbain Pierre Dangnivo, du nom de cet ancien fonctionnaire du ministère des Finances disparu en 2010 dans des circonstances jamais élucidées, revient devant la cour d’assises.

L’attente a été longue, ponctuée d’années d’incertitude, de volte-face judiciaires et de confessions contradictoires. Ce matin, la justice rouvre le dossier, et l’on espère enfin y voir plus clair. À 10 h 45, dans la grande salle du tribunal, la session criminelle s’ouvre. Dans le box des accusés, Codjo Cossi Alofa, vêtu d’un boumba bleu ciel carrelé, surmonté du gilet des détenus, attend l’appel de son nom. À ses côtés, Donatien Amoussou, son présumé complice, chemise blanche « Good Luck » bien boutonnée, visage impassible. L’un a déjà reconnu les faits avant de se rétracter. L’autre s’est muré dans le silence depuis des années.

Le président de la cour ajuste ses lunettes, fixe les deux prévenus et annonce d’un ton ferme :

— La cour est saisie des faits d’assassinat et de complicité d’assassinat sur la personne d’Urbain Pierre Dangnivo.

Le silence dans la salle est pesant. L’énoncé des charges fait l’effet d’un couperet.

Dans l’assistance, certains remuent nerveusement sur leurs bancs. Les proches de la victime, droits et silencieux, scrutent les accusés comme pour déceler un tressaillement, une faille, un aveu muet. Ce n’est pas la première fois que ce procès s’ouvre. En 2015, 2016 et 2018, il avait déjà été évoqué en assises. Chaque fois, des révélations spectaculaires ont fait osciller la balance entre culpabilité et innocence.

Lors des premières audiences, Codjo Cossi Alofa, présenté comme féticheur, avait plaidé coupable. Il avait décrit avec précision les circonstances du meurtre, les détails du rituel macabre auquel il aurait procédé. Mais en 2018, revirement de situation. Il revient sur ses aveux, clamant haut et fort qu’il est innocent. « On m’a forcé à avouer ! », martèle-t-il alors devant la cour. Ses avocats s’engouffrent dans la brèche : Alofa était en garde à vue au moment de la disparition de Dangnivo. Un alibi en béton, qui interroge sur la véracité de l’enquête initiale. Alors, coupable manipulé ou bouc émissaire idéal ?

L’évasion ou la fuite orchestrée ?

Au fil des audiences, un autre épisode trouble vient épaissir le mystère. Codjo Cossi Alofa aurait « disparu » de la prison d’Akpro-Missérété, avant d’être retrouvé plus tard. Là encore, l’accusé livre une version troublante :

— Je ne me suis jamais évadé. On m’a fait sortir. On m’a donné de l’argent et on m’a déposé à la frontière avec le Togo.

La salle retient son souffle. Qui sont ces mystérieux hommes qui l’auraient libéré ? Pour quelles raisons ?

Ce récit laisse entrevoir l’hypothèse de complicités au plus haut niveau. Une vérité qu’on aurait voulu taire ? Des témoins à faire disparaître ?

Un procès sous tension

Dans ce procès, il n’y a pas que deux accusés. Il y a aussi des ombres. Des fantômes d’une affaire qui dépasse le simple cadre criminel. Des noms jamais cités, des ramifications insaisissables. Pour les avocats de la défense, le dossier est un labyrinthe judiciaire où les vérités sont sélectives et les preuves, étrangement mouvantes.

— Nous demandons à ce que toute la lumière soit faite sur ce dossier, déclare l’un des conseils des accusés.

Face à eux, l’accusation campe sur ses positions. Pour elle, les faits sont clairs : Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou doivent répondre de leurs actes.

Mais la cour saura-t-elle, cette fois, démêler le vrai du faux ? Qui protège qui ? Où s’arrête la simple procédure et où commence l’ombre des secrets d’État ? Dans la salle, chacun se pose la même question : cette audience sera-t-elle enfin celle de la vérité, ou un nouvel acte d’un feuilleton judiciaire interminable ? Le procès ne fait que commencer.

LE SPECTATEUR JOYEUX

Le Soleil Bénin Info

468 ad

Submit a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *